La couleur dans la nature et dans les arts
Quelques mots : Les lignes qui suivent n’auront de sens que pour les graphistes ayant déjà réalisé des gammes de couleurs à la gouache, l’huile, l’aquarelle, l’acrylique…autrement dit avoir peint » à la main », avec des couleurs pigmentaires.
Goethe et l’étude des couleurs
Dans son ouvrage « Le Traité des Couleurs » (Die Farbenlehre), Goethe décrivit les phénomènes colorés en adoptant successivement les points de vue du peintre, du physicien, du médecin, du biologiste, du philosophe, du mystique et de l’historien.
Utilité de ces réflexions
Les lignes et les exemples suivants seront peut-être utiles à ceux qui s’intéressent au monde des couleurs et cherchent à s’y « retrouver », afin de maîtriser une multitude de possibilités et ne pas dépendre d’une mode, d’une opinion ou d’une impression passagère.
Genèse de ces réflexions
Je tiens à préciser que ces réflexions sont nées suite aux innombrables gammes colorées que je réalisais jadis, au pinceau et à la gouache sur papier, avant que les logiciels de dessin ne soient suffisamment perfectionnés dans ce domaine, pour compléter sur l’écran cette approche quelque peu laborieuse.
Approches de la couleur par différents artistes
Aussi, certaines descriptions n’auront de sens que pour les graphistes utilisant également « les tubes de couleurs et le pinceau ». À cet égard, les écrits de Léonard de Vinci, Delacroix, Kandinsky, Klee, Itten et Kuppers proposent chacun une approche personnelle du sujet.
Synthèse soustractive vs. synthèse additive
Enfin, le peintre conçoit le monde des couleurs comme un mélange de teintes (synthèse soustractive : une couleur appliquée sur le blanc du papier soustrait de la lumière), alors que l’écran crée les mêmes teintes par mélanges de lumières (synthèses additives : par exemple, un pixel rouge s’additionne à un pixel vert pour donner par fusion optique le jaune). Le système TSL (Teinte, Saturation, Luminosité) proposé aux utilisateurs des principaux logiciels de dessin est celui qui correspond le plus au cheminement intellectuel et à l’habitus du peintre de chevalet.
Quels logiciels ?
J’utilise les applications qui existaient lorsque j’ai commencé à utiliser l’ordinateur (dans les années 1985-1990) ; j’ai « grandi » avec elles. Aujourd’hui, je choisirais sans hésiter les formidables logiciels libres (Gimp, Inkscape, Blender, Scribus, etc.), qui font tout ce que font les premiers.
Importance de l’observation et de l’étude
Toutefois, aussi perfectionnés soient-ils, les outils informatiques ne remplacent ni l’observation raisonnée de la nature naturante (cf. Klee), ni l’étude des tableaux et écrits des anciens (primitifs, romantiques, impressionnistes, etc.), et encore moins le crayon, le pinceau et le tube de couleur.
Les 2 couleurs primaires
Suite à ses observations des phénomènes colorés, Goethe affirme que les couleurs naissent de deux entités aux directions opposées que sont les ténèbres et la lumière.
Le rôle du noir et du blanc
Chaque terme, en cheminant l’un vers l’autre, devient couleur ; le Noir s’éclaircit en Bleu, le Blanc s’assombrit en Jaune. Le Bleu et le Jaune sont les véritables couleurs primaires naturelles. Le Blanc est la lumière pure du Soleil et le Noir, les ténèbres sans étoiles de l’espace.
Apparition des couleurs
Un milieu gazeux, liquide ou solide, traversé par la lumière, au fur et à mesure qu’il s’opacifie, fait apparaître le Blanc, puis le Jaune, l’Orange pour finalement culminer en un Rouge pur. À l’opposé, plus augmente l’épaisseur matérielle illuminée qui s’interpose entre l’œil du spectateur et l’obscurité, plus le Bleu s’intensifie en Indigo, en Violet, pour finalement rejoindre son opposée, la lumière, par le Rouge.
Exemples de couleurs dans la nature
De la fumée illuminée sur le fond d’une pièce obscure apparaîtra bleue, de même que le ciel de haute montagne présente un bleu profond, du fait qu’en ces hauteurs, il ne subsiste qu’une mince épaisseur de vapeurs atmosphériques entre le spectateur et le noir de l’espace. Inversement, la fumée s’échappant d’une cheminée, sur un fond de ciel voilé de blanc, semblera jaune-rouge.
Interprétation de Goethe
Goethe prend de la hauteur en attribuant aux Élohim la réunion, par le Pourpre, des deux entités opposées que sont le Jaune et le Bleu.
Le vert et l’équilibre de la nature
Quant aux œuvres terrestres, elles créent le parfait équilibre entre l’ombre et la lumière dans les végétaux par le Vert. Ici, il ne s’agit plus d’une intensification, mais d’un simple mélange que chacun connaît, celui du Bleu avec le Jaune.
Les couleurs secondaires et complémentaires
Ainsi, deux autres couleurs s’ajoutent aux deux fondamentales, le Bleu et le Jaune : deux couleurs secondaires et complémentaires, le Rouge et le Vert. En maintenant une logique verticale, on peut créer un dégradé du Vert au Rouge dans lequel l’équilibre en gris neutre se réalisera entre « Ciel et Terre ».
Goethe et Newton : deux visions de la couleur
Le point de vue de Goethe, qui ne détache jamais la réflexion de l’observation de la nature, s’oppose à celui du physicien Newton qui extrapole à partir d’un phénomène somme toute limité, la décomposition prismatique d’un rayon de lumière blanche, une théorie satisfaisante pour l’esprit, mais qui s’enlise un peu lorsqu’un cercle chromatique en rotation affiche, par fusion optique, non pas le blanc, comme le voudrait la théorie, mais un gris pâle.
L’apport des deux approches pour l’artiste
Cependant, nonobstant les querelles, l’artiste sait trouver dans ces deux approches du monde, ainsi que dans ses études du sujet et sa propre expérience, toute l’inspiration et l’objectivité qui lui seront nécessaires pour une maîtrise absolue de l’univers coloré dans ses réalisations, soit une conscience totale du pourquoi des résultats.
Les logiciels de graphisme et les harmonies colorées
Enfin, ajoutons que certains logiciels de graphisme proposent depuis quelques années une gestion des harmonies colorées dont l’articulation technique est directement inspirée par les travaux des grands précurseurs dont nous avons évoqué les réflexions.
Les couleurs primaires « vraies »
Il faut encore noter que le bleu primaire « vrai », celui envisagé par Goethe et les classiques, ne doit contenir ni rouge ni jaune, le jaune « vrai » ni bleu ni rouge et le rouge « vrai » ni jaune ni bleu. Ces teintes existent dans le matériel proposé aux peintres ; le bleu cobalt correspond bien aux exigences du premier, le jaune de cadmium et le rouge de cochenille ou certains carmins, respectivement, au deuxième et au troisième. Mais tout artiste qui commence un travail sur la couleur constate très vite que différentes marques proposent des couleurs aux noms identiques, mais situées à des places différentes sur le cercle chromatique.
LES 3 PARAMÈTRES DE CHAQUE COULEUR
1/ La teinte :
La teinte d’une couleur désigne le pigment coloré, la couleur qui sort du tube, celle qui brille sur l’écran. Elle a un nom, bleu, vert, rouge, orange… et elle occupe une place qui lui est propre sur le cercle chromatique (sur ordinateur, le cercle est divisé en degrés qui correspondent chacun à une teinte précise ; par exemple le jaune = 60°). Même s’il s’agit d’une teinte au nom complexe, Terre de sienne brûlée ou Zinzolin, elle correspondra à un orange 360° foncé pour la première et à un magenta 300° ternis pour la seconde. La réalité d’une couleur est toujours relative à une autre, ou à un blanc, un gris, un noir. Une teinte trouvera, par sa position dans le cercle et par rapport à la position d’une autre teinte, un choix entre plusieurs effets, expressions ou harmonies. Ce choix sera celui du goût, de l’inspiration, ou encore d’une nécessité technique ou signifiante.
2/ La saturation :
La saturation d’une couleur est la proportion de couleur pure dans un mélange. Une goutte d’encre bleu pur sur une feuille blanche aura une vivacité différente, une saturation différente, de celle du même bleu mélangé à 10 gouttes d’eau. Même chose en mélangeant la couleur avec du blanc. La couleur s’éclaircit ; elle est désaturée. Sur ordinateur, la saturation s’exprime en pourcentage. 100% désigne la couleur pure, 0% correspond à l’absence de couleur.
Une couleur peut aussi être désaturée par mélange avec un gris. Suivant la valeur de ce gris, la désaturation pourra ou non s’accompagner d’un obscurcissement ou d’un éclaircissement. Cependant, l’effet saturation-désaturation prend toute son expression lorsque le gris du mélange correspond au niveau de clarté de la couleur saturée.
3/ La luminosité :
Chaque couleur peut être mélangée à du noir. Ce faisant, sa luminosité diminue ainsi que sa saturation. L’obscurcissement s’obtient par mélange avec un gris plus sombre, ou une autre couleur plus sombre.
LA VALEUR DE GRIS DE CHAQUE COULEUR
Il est essentiel de considérer chaque couleur selon son degré de luminosité.
Au jaune correspond un gris pâle pour un gris foncé au Magenta.
Ainsi, chaque couleur saturée du cercle chromatique possède sa valeur propre.
Ce fait conditionne les possibilités de mélange avec le noir et le blanc. Le jaune n’offre que peu de valeurs contrastées en mélange avec du blanc et beaucoup de nuances possibles vers le noir, à l’inverse du violet qui mélangé au blanc offre de nombreuses teintes lilas mais peu de valeurs différenciées en mélange avec le noir.
Ce paramètre est essentiel pour la maîtrise des contrastes entres les éléments d’une composition et les effets de profondeur. Certains peintres du passé et/ou actuels, commencent leur réalisation par une version en valeurs de gris. Ensuite la couleur peut être déposée en glacis, et sur ordinateur, l’utilisation des commandes de niveaux RVB ou CMJN, des transparences de calques en produit, incrustation, etc. permettent tous types de rendus, selon les besoins.
